Blagnac Rugby
Bonne centième mon capitaine

Le bruit des crampons sur le carrelage, le souffle rauque des coéquipiers, l’arbitre qui vient taper à la porte du vestiaire… Ce rituel, ces sons, cette ambiance, Matthieu Vachon va les ressentir pour la centième fois. 99 fois il est passé de l’ombre du couloir à la lumière du terrain et 99 fois les battements de son cœur se sont accélérés comme pour donner vie au blason de Blagnac tambourinant fièrement sur sa poitrine. Face à Bagnères-de-Bigorre, il va entrer dans le cercle très fermé des « centenaires ». Le match va débuter et Matthieu jouera probablement comme s’il ne se passait rien de particulier, lui qui disait il y a peu de temps être prêt à passer ce cap « sans pression ». Dans les tribunes, sa famille et ses proches auront forcément la gorge un peu nouée et les yeux risquent de briller. Certaines de ses actions vont sûrement rappeler de bons souvenirs à ceux qui l’ont connu plus jeune, à ceux qui l’ont entraîné et ceux qui ont pu jouer avec lui. Quand il va plaquer, quand il va faire une passe ou remettre son casque beaucoup vont réaliser le chemin parcouru. Son ancien coach, Gilles Sicre, attendra avec impatience la première touche de la rencontre, « en cadets je me souviens que l’on volait tous les ballons en touche », se remémore-t-il au sujet d’un « garçon de tempérament » qu’il a connu dès l’école de rugby. « Petit il avait déjà fort caractère, on le recadrait de temps en temps mais il acceptait toujours la critique », sourit Gilles gardant en tête l’image de Matthieu arrivant insolemment aux entrainements avec le maillot du Stade Français à l’époque où le duel avec le Stade Toulousain était à son paroxysme. Cette célèbre tunique aux éclairs, le natif de Saint-Maur-des-Fossés (94) l’a longtemps portée comme un étendard… « Ils nous a saoulés un moment avec ça », souffle Fabien Gardet, l’actuel entraineur des Juniors du club, avec qui il a joué et même coaché. « Je me rappelle d’un gars venant du judo, il était arrière à ces débuts… », rembobine son ex-coéquipier triant entre les souvenirs de longues après-midis passées sur le terrain pelé de Bélisaire ou des nombreux tournois disputés sous la chaleur du mois juin.
« On en rêvait tous et il a été le seul à vraiment y arriver »
Demi-de-mêlée, talonneur, centre, ouvreur… C’est bien simple, Matthieu a joué tous les postes avant de passer aux choses sérieuses au moment de monter en cadets, « il s’est révélé à cet instant », avoue Gilles Sicre puis d’ajouter, « il était bon dans le jeu, intelligent et comprenait ce qui se passait sur le terrain plus vite que beaucoup d’autres ». Le futur capitaine de l’équipe première vole des ballons en touche, plaque à tour de bras et se fait même un surnom qui sonnera plus tard comme une coïncidence, « on l’avait surnommé le petit Bassaber (du nom de l’ex troisième ligne et entraineur de Blagnac) », confie son ancien éducateur. Hasard du destin ou pas c’est justement Fabrice Bassaber qui va le lancer en équipe première en 2013 lors d’un déplacement à Lannemezan, l’histoire pouvait alors commencer. « On en rêvait tous et il a été le seul à vraiment y arriver, honnêtement on n’imaginait pas qu’il irait si loin », salue un brin nostalgique Fabien se rappelant les nombreux fous rires lors des entrainements ou avec les Blagnacais de la génération 1991, « Dorian Rosado, Pierre Alvarez, Nicolas Notrel, Adrien Valès… », ils se roulaient dans l’en-but en tentant d’imiter leurs idoles. « Il était fan d’Abdellatif Boutaty et de David Penalva », dévoile son ami hilare qui a pu connaitre Matthieu joueur mais également entraineur. « On a entrainé durant 4 ans ensemble, on s’est occupé de la génération 1999 que l’on a suivie jusqu’en Juniors », narre le membre d’un « duo de choc » qui a fait émerger de nombreux talents et rire beaucoup de dirigeants. « On était devenu un vieux couple qui passait son temps à s’engueuler », s’amuse Fabien encore étonné par les qualités « de transmission » de son compère, « il était très pédagogue et c’était assez drôle de voir qu’un instant il était dur et intransigeant avec les gamins puis le moment d’après il leur apprenait les paroles du « pilou-pilou » ».
Retour vers le futur
Une anecdote étonnante mais tellement proche du joueur et de l’homme qu’il est devenu 99 matchs de Fédérale 1 plus tard. Pour s’en rendre compte, il vous suffit d’essayer de le suivre dans les rues du vieux Blagnac. Sur les boulevards Firmin Pons et Jean Rivet on a l’impression de se replonger dans le rugby d’avant, ce rugby fait avant tout de proximité et de convivialité. Les « Salut Matthieu alors vous jouez qui ce dimanche ? » et autres « vraiment vous avez été solides le weekend dernier » fusent à grands coups d’accolades et tapes dans le dos. La ville semble redevenir village un instant, « pour moi c’est l’archétype du joueur à l’ancienne qui allie à la perfection l’humain et le sportif », conclut parfaitement Gilles Sicre, « il sait faire la bringue mais il sait aussi être le premier à enfiler le K-Way pour suer à l’entrainement ». Quand on a dit ça il ne reste rien à ajouter à part : « bonne centième mon capitaine ».
Maxime Brossard